Une fête masquée, hein ? Initialement, je n'avais pas du tout prévu d'y aller. Après tout, si je voulais continuer à garder mon faux travail, il fallait bien que je travaille assez dur... et voire même deux fois plus dur pour rentrer correctement dans le rôle de ma soeur. Pourtant, ma colocataire et accessoirement meilleure amie m'avait affirmé que cela me ferait un bien fou de me détendre un peu. Malgré mes protestations, j'avais fini par céder et même par lui laisser le choix du costume, sinon je sentais bien que je n'allais pas finir la soirée entière. Me voilà donc parée pour une soirée, ne sachant même pas ce que j'allais bien pouvoir y faire alors que j'avais en plus en tête des dossiers du poste de police posés sur mon bureau qui n'attendaient que moi. J'ouvris enfin les yeux pour admirer - ou vomir, que sais-je encore - le résultat du petit relooking que l'on venait de m'offrir gratuitement chez moi. Le thème : le mariage. Serait-ce un message pour me dire de me trouver quelqu'un dans ma vie ou encore me marier avec mon propre patron ? Sans façon, merci. Disons que je l'avouais, il me faisait un peu peur tout de même... Ceci dit, je devais avoir que ma colocataire avait fait du bon boulot... Disons que sur ma silhouette qui se voulait un peu musclée, normal pour mon travail, la robe qui se voulait d'imiter une robe de mariage m'allait plutôt bien et le masque que je portais était bien assorti. Non, elle avait fait du bon boulot. C'est finalement avec un petit sourire insouciant aux lèvres que je sortis de chez moi, ne craignant pas être pointée du doigt vu que je n'étais pas toute seule dans un costume et le mien restait sobre, ce qui était quand même mon but.

Heureusement, il ne faisait pas si froid que ça cette nuit... Arrivant au lieu où se déroulerait la fête, je cherchais du regard des gens que je connaissais, que ça soit de loin ou de près. Après tout, je ne pensais pas qu'aller à une fête toute seule soit particulièrement joyeux. Enfin, je ne savais pas vraiment ce qui allait m'arriver ce soir-là... Je marchais d'un pas ferme. Mon adaptation à mon travail rude pour les femmes commençait à se faire sentir. Je n'avais pas toujours été la femme la plus féminine du monde, mais tout de même... Comme me disait ma meilleure amie, j'avais une magnifique part féminine qui ne demandait qu'à sortir. Si elle le disait, j'allais la croire...

Prise dans un soudain mouvement de foule, j'essayais de maîtriser la situation tandis que mes pseudos instincts de policière prenaient le dessus, mais finalement, je me retrouvais emportée... avant de heurter quelque chose d'assez dur. Je manquais une expiration sous la force du choc.

« Excusez-moi, j'aurais du faire attention, je... »

Je relevai les yeux pour enfin regarder mon interlocuteur, un charmant jeune homme qui s'inquiétait de savoir si j'allais bien. Je fus légèrement intimidée sur le coup mais reprenais bien vite de l'assurance en souriant.

« Oui, oui, tout va bien, désolée de vous avoir écrasé. »

Je replaçai une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille, remettant mon masque qui avait légèrement bougé en place. Je détaillai ma nouvel connaissance du regard. Malgré le fait que je ne voyais pas son visage, je devinai de jolis traits sur son visage. En plus, avec son costume, je voyais qu'il n'avait pas mauvais goût. Mais... non, non, je vois où vous voulez en venir. Non, je n'étais absolument pas intéressée. C'est sûr. Je n'avais aucunement le temps pour une quelconque relation ou je ne sais quoi d'autres avec mon double boulot, alors c'était comme ça. Seulement, j'étais curieuse de savoir quel genre de vie menait l'homme en face de moi. Et puis je pouvais prétendre être en service et chercher les malfrats de Séoul, hmmm ?

Je fus légèrement surprise lorsqu'il me proposa d'un air direct d'aller faire un tour sur la grande roue, mais je ne pouvais refuser, non ?

« Avec plaisir ! »

Je tendis un peu timidement la main et me laissai entraînée vers ladite grande roue. Oui, j'étais un peu intimidée. Même si je vivais dans un monde d'homme depuis quelques mois, ça n'était pas facile pour moi et j'avais toujours l'impression de me sentir inférieure... Ceci étant, ça n'était pas le moment. Je pris place dans la nacelle de la grande roue, souriante, commençant à admirer la vue que l'on pouvait avoir de la capitale sud-coréenne.

Puis, d'un coup, il y eut une grande secousse. Je m'accrochais tant bien que mal à mon siège et constatai alors que la grande roue venait de se stopper. Immédiatement, je m'inquiétais alors de l'état de ma nouvelle connaissance.

« Vous allez bien, rien de cassé ? »

Je me demandais si l'homme en face de moi était bien d'origine coréenne... Ses yeux bridés que j'arrivais à apercevoir à travers son masque me prouvaient bien son appartenance à l'Asie, mais malgré le fait qu'il parlait bien coréen, il avait un petit accent qui me faisait douter. Cependant, je ne pouvais voir correctement les traits de son visage, donc impossible de dire s'il venait vraiment de Corée ou non, mais j'avais quelques doutes. En tout cas, il avait quelque chose qui me faisait sourire chez lui, peut-être son petit côté un peu extraverti que j'avais pu constater rien qu'en quelques minutes. En effet, les rudes traditions et coutumes coréennes au niveau de la politesse et de la courtoisie, il n'avait pas l'air d'y faire attention voire carrément de mettre ça de côté. J'aimais bien ça, cette phase assez décontractée de sa personnalité, même si je ne le connaissais pas. C'est pourquoi j'acceptais alors de l'accompagner à la grande roue. Ce jeune homme m'intriguait et j'avais envie d'en savoir plus sur lui. Son âge, ce qu'il faisait dans la vie, d'où il venait, comment il était derrière ce masque...

Je ne cachais pas le fait qu'il m'intimidait un peu cependant. Vu que j'ai été élevée dans une famille qui fait bien la différence entre les deux sexes, je n'avais pas forcément le contact facile avec les hommes. Pourtant, même si j'étais toujours un peu timide face à lui, le courant passait bien. Quand je disais que son côté extraverti y était pour quelque chose... Tandis qu'il me tenait doucement la main, je le suivis docilement et gracieusement, observant les gens que l'on croisait et leurs costumes. Le fait que je n'arrivais à reconnaître personne me frustrait un peu, mais cela faisait partie du jeu, je suppose. Je lui rendis son sourire tandis que j'eus un petit rire à sa remarque. C'est vrai que j'avais l'impression d'avoir à peine quatre ans en ce moment...

« De même, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas fait ça... »

Le tutoiement m'avait un peu alerté au début, mais je souris finalement, voyant qu'il ne s'encombrait pas de choses inutiles. Je m'asseyais à mon tour tout en lissant les plis de ma robe et remettant mon masque en place. Et enfin, une grande secousse vit trembler la nacelle. Après avoir repris mon équilibre, je m'inquiétais de savoir si mon compagnon se portait bien. Vu la tête qu'il faisait, j'avais quelques doutes, mais je ne devais pas avoir l'air très bien non plus. Je me mordillais la lèvre, anxieuse, voyant que la grande roue s'était stoppée.

« Oui, oui, ça va... tu sais ce qu'il se passe ? »

Ne m'embarrassant pas non plus d'un vouvoiement, mon inquiétude montait en flèche. Et si la grande roue restait bloquée ? Et si la nacelle ne tenait pas le coup ? Que de questions auxquelles j'essayais de ne pas y penser. Je tentais de rendre son sourire à mon partenaire de poisse, mais honnêtement, je ne devais pas avoir l'air très rassurée. Je me concentrais plutôt sur autre chose, comme ce qu'il me disait. Hmm... Effectivement, briser le charme de l'anonymat serait dommage, donc je ne savais que dire. Mais en même temps, j'étais extrêmement curieuse. Mon côté fouineuse me hurlait de lui poser des questions.

« Hmm... que dire... eh bien, je viens pas de Séoul mais d'Incheon, j'ai emménagé il y a quelques mois pour aider ma soeur... et on va dire que je suis assez gaffeuse alors pour mon boulot, ça n'est pas facile vu que c'est un peu dangereux mais je me débrouille. Tu préfères savoir mon nom ? Même si après, ça n'est plus trop anonyme, ni amusant... »

Moi, joueuse ? Peut-être. Il fallait avouer que c'était tentant, de garder le secret jusqu'au bout, surtout si nous allions passer plusieurs heures ici. J'esquissais un léger sourire en signe de défi. Défi pour quoi ? Aucune idée.

« Et toi ? Je suis curieuse de savoir. Tu ne m'as pas l'air du genre à faire "métro-boulot-dodo", je me trompe ? »

Qu'est-ce qui me faisait dire ça ? Mon intuition féminine. Bien sûr que ça existe ce genre de choses. Puis, le peu que j'avais pu voir de sa personnalité me disait bien qu'il n'était pas un adepte d'une vie bien régulière et toujours la même chaque jour. Je poussais un léger soupir. Mes talons commençaient à me faire légèrement souffrir, mes pieds n'étant pas très habitués à ce genre de chaussures. J'étais cependant inquiète et cela se voyait. J'espérais seulement qu'au moins, la température à l'intérieur de la nacelle n'allait pas baisser...

« A ton avis, on va rester combien de temps là-dedans ?... »

Spoiler:

"Princesse"... Devrais-je le traiter comme mon Prince alors ? Curieusement, cette idée me faisait plutôt rire, mais en même temps me faisait envie puisque cela me rappelait à quel point ma vie amoureuse était... vide. C'était le mot. A part quelques petites amourettes d'enfance, et encore, vu l'autorité qu'avait ma famille sur moi, c'était vraiment très bref, je n'ai jamais eu de véritables relations. Maintenant que ladite famille était bien loin de moi, j'étais libre de ce côté-là, et pourtant, aucune relation. Mui. Peut-être que j'étais un peu trop à fond dans mon travail pour remarquer ça. Ceci étant... mon "Prince", appelons-le comme ça plutôt que l'inconnu ou mon partenaire, me traitait vraiment comme sa Reine, et la situation était à la fois attendrissante et comique. De plus, tout ceci était parfaitement assorti à nos costumes. Le fruit du hasard ?

Mais à présent, il y avait un autre problème, la grande roue qui s'était stoppée, en autres. Et aussi le fait que la nacelle, maintenant en équilibre et immobile, tanguait légèrement de droite à gauche, et ça n'était pas des plus rassurants, croyez-moi. Je ne savais d'ailleurs pas si j'avais le vertige, et honnêtement, je ne voulais pas tester, du moins pas maintenant. Visiblement, mister Prince s'attendait à ce qu'il y ait une suite après que l'on sorte d'ici, mais encore fallait-il sortir d'ici, effectivement. On pouvait rester bloqué ici pendants plusieurs heures, voire même jusqu'au petit matin, donc on ne pouvait pas espérer trop de choses à la fois. Hmm... et comment lui parler de mon travail sans le lui révéler vraiment ?

« Comment dire sans tout te révéler, sinon ça ne serait pas drôle... on va dire que je protège la population ? Mais je débute... alors je suis pas très douée. »

J'eus un petit rire gêné. Ca, non, je n'étais pas très douée, même si j'étais censée avoir de l'expérience, expérience que je n'avais évidemment pas. Il n'empêche qu'il devait plus ou moins avoir deviné quel genre de personnes j'étais et quelle vie je menais. Je lui rendis son sourire, intéressée. Top secret, hein ? Dommage que je ne sois pas en service... Parce que j'aurais pu prétexter un contrôle pour savoir ce qu'il faisait de sa vie et son identité... Mais ça ne serait pas du jeu, non ?

« Top secret comment ? Secret d'Etat ? »

J'étais curieuse de savoir, beaucoup trop. Mais c'était ma nature, inutile de me le faire remarquer... Plongée dans mes pensées, essayant de deviner combien de temps cela leur prendrait-il pour que la roue se remettre en marche, je sentis mon corps se réchauffer petit à petit. Je jetais un coup d'oeil à la veste qu'il venait de déposer sur mes épaules. Doucement, je rapprochais ladite veste de mon corps pour essayer de prendre le maximum de chaleur possible. Je regardai mister Prince d'un air inquiet.

« Et toi... tu n'as pas froid là ? »

Je serais quand même gênée s'il tombait malade par ma faute... parce que plus le temps passait, plus la température baissait. Et il ne me semblait pas que les cabines avaient la climatisation intégrée. Malgré le léger froid qui s'installait, je me sentis rougir lorsqu'il me posa la question à propos d'un quelconque petit ami que je n'avais évidement pas. Je n'eus même pas le temps de répondre puisqu'une nouvelle secousse fit trembler la nacelle plus violemment que tout-à-l'heure. Sur le coup, je me sentis projetée en avant. Je fermai les yeux en attendant le choc du sol... qui ne vint pas. A place, j'étais contre un torse, des bras enserrés autour de ma taille.

La proximité de tout ça me gênait un peu... mais j'essayai de ne pas m'en formaliser. En même temps, cela nous réchauffait tous les deux, ce qui n'était pas plus mal.

« Merci... on... on peut rester comme ça ? Comme ça on se réchauffe tous les deux. »

La seule chose qui m'énervait dans cette histoire, c'était que j'avais l'air d'une petite femme fragile... Et vous ne pouvez pas savoir à quel point ça m'énervait. Le nombre de fois dans ma vie que j'avais voulu montrer que j'avais autant de force que les garçons plus jeune...

« Ne crois pas que je sois du genre fragile comme une fleur, hein ?... »

Je fis la moue, contrariée... Parce que c'était bien ce dont j'avais l'air en ce moment. Ce n'est que quelques minutes plus tard que je me rendis compte que quelque chose clochait, et ce quelque chose se trouvait à quelques mètres de nous. En effet, sous le choc de la dernière secousse, mon masque avait glissé de mon visage et était tombé à quelques mètres de moi. Hmm... Je crois que pour l'anonymat, c'est plus ou moins foutu.

Je haussais un sourcil d'un air interrogateur. Se pourrait-il que mon prince - je commençais à devenir un peu gênée de l'appeler ainsi, pour une raison qui m'était inconnue - ait déjà découvert quel genre de travail je menais à peine quelques secondes après que je lui ai donné quelques indices ? Décidément, je n'étais pas très douée pour cacher quelque chose. Enfin, ça n'était pas si grave... Mais cette agitation de ma part m'intriguait. Un hors-la-loi, hmm ? Mais n'exagérons rien, je ne pense pas qu'un criminel se ballade comme ça en plein milieu d'une fête foraine. Quoique... Enfin, il fallait que j'arrête d'être aussi paranoïaque... parce que j'avais en face de moi un jeune homme qui me traitait comme une véritable princesse, ce qui avait tendance à me faire un peu rougir, donc inutile de douter de lui, non ? Oui, je pense que je pouvais lui faire confiance, après tout ?

Le cours des évènements s'accéléra un peu, et quelques minutes, sans trop avoir bien compris pourquoi, je me retrouvais doucement plaquée et bien maintenue avec l'un des bras de mon parfait inconnu ou presque autour de ma taille, contre son torse. Presque dans un murmure inaudible et timide, je lui demandais si je pouvais rester dans cette position afin de me réchauffer et aussi de le réchauffer lui, qui restait actuellement en tee-shirt. Je fermais les yeux, appréciant l'instant présent. Je n'avais aucune idée de qui se cachait sous ce masque, à mes côtés, mais je devais dire qu'il n'était pas désagréable, et en vérité, je me surpris à souhaiter rester avec lui encore quelques instants. Je ne savais pas trop pourquoi ni comment, mais peut-être avait-il raison et que nous pourrions encore passer un peu de temps ensemble après être sortis d'ici ? Encore faudrait-il sortir, justement... Les forains n'avaient pas l'air pressés. A croire qu'ils le faisaient exprès.

Je remettais en place quelques mèches de mes cheveux, un peu nerveuse. J'eus d'ailleurs un peu rire timide, me sentant rougir. Mon parfum n'avait rien d'exceptionnel... je pense ?

« Et vous avez de beaux muscles, prince... »

Je murmurai cette phrase de façon hésitante. Après tout, ça n'était pas trop mon genre... mais je tentais sur la réplique pour bien lui montrer que je n'étais pas une femme facile... Mais en même temps, j'appréciais sa remarque autant que sa compagnie, qui me faisait rougir. A croire que j'avais encore quatorze ans... C'est bien de rester jeune dans sa tête, mais il ne faut pas exagérer...

Et finalement, je me rendais (enfin ?) compte que mon masque avait volé quelques centimètres plus loin de nous lors de ma presque chute. L'anonymat totalement disparu, je m'agitais nerveusement... avant de tomber nez à nez avec mon plus vraiment inconnu, mais totalement démasqué lui aussi. ... en tous cas, on ne pouvait pas dire le contraire, mon prince n'était pas mal dans son genre... non mais qu'est-ce qu'il me prenait, ces dernières minutes ? Je me surpris à lui rendre son sourire. Les masques étaient tombés, une nouvelle atmosphère s'installait entre nous deux.

Je fis la moue, faisant mine de bouder, lorsqu'il réitéra sa question que j'avais soigneusement évité.

« Tu es bien curieux... enfin... non, aucun. Pas vraiment le temps, j'imagine ? Puis qui voudrait d'une flic qui risque sa vie tous les jours, qui a des horaires de travail pas possible, je me le demande... En plus de ça, je suis petite alors, c'est parfait... »

Ma taille... sujet tabou. Je ne dépassais même pas le un mètre soixante-cinq, à vrai dire... Donc autant vos dire que ça n'est pas très grand, surtout pour une policière. Breeef...

« Je pourrais te retourner la question, hmm ? »